segunda-feira, 10 de novembro de 2014

LE XI NOVEMBRE. SAINT MARTIN, ÉVÊQUE ET CONFESSEUR.


Trois mille six cent soixante églises dédiées à saint Martin au seul pays de France (1), presque autant dans le reste du monde, attestent l'immense popularité du grand thaumaturge. Dans les campagnes, sur les montagnes, au fond des forêts, arbres, rochers, fontaines, objets d'un culte superstitieux quand l'idolâtrie décevait nos pères, reçurent en maints endroits et gardent toujours le nom de celui qui les arracha au domaine des puissances de l'abîme pour les rendre au vrai Dieu. Aux fausses divinités, romaines, celtiques ou germaniques, enfin dépossédées, le Christ, seul adoré par tous désormais, substituait dans la mémoire reconnaissante des peuples l'humble soldat qui les avait vaincues.
C'est qu'en effet, la mission de Martin fut d'achever la déroute du paganisme, chassé des villes par les Martyrs, mais jusqu'à lui resté maître des vastes territoires où ne pénétrait pas l'influence des cités.
Aussi, à l'encontre des divines complaisances, quelle haine n'essuya-t-il point de la part de l'enfer! Dès le début, Satan et Martin s'étaient

1. Une liste par diocèses s'en trouve dans le Saint Martin de Lecoy de la Marche, en l'Appendice.

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rencontrés : «Tu me trouveras partout sur ta route, » avait dit Satan (1) ; et il tint parole. Il l'a tenue jusqu'à nos jours : de siècle en siècle, accumulant les ruines sur le glorieux tombeau qui attirait vers Tours le monde entier ; dans le XVI°, livrant aux flammes, par la main des huguenots, les restes vénérés du protecteur de la France; au XIX° enfin, amenant des hommes à ce degré de folie que de détruire eux-mêmes, en pleine paix, la splendide basilique qui faisait la richesse et l'honneur de leur ville.
Reconnaissance du Christ roi, rage de Satan, se révélant à de tels signes, nous disent assez les incomparables travaux du Pontife apôtre et moine que fut saint Martin.
Moine, il le fut d'aspiration et de fait jusqu'à son dernier jour. « Dès sa première enfance, il ne soupire qu'après le service de Dieu. Catéchumène à dix ans, il veut à douze s'en aller au désert ; toutes ses pensées sont portées vers les monastères et les églises. Soldat à quinze ans, il vit de telle sorte qu'on le prendrait déjà pour un moine (2). Après un premier essai en Italie de la vie religieuse, Martin est enfin amené par Hilaire dans cotte solitude de Ligugé qui fut, grâce à lui, le berceau de la vie monastique dans les Gaules. Et, à vrai dire, Martin, durant tout le cours de sa carrière mortelle, se sentit étranger partout hormis à Ligugé. Moine paraîtrait, il n'avait été soldat que par force ; il ne devint évêque que par violence ; et alors, il ne quitta point ses habitudes monastiques. Il satisfaisait à la dignité de l'évêque, nous dit son historien, sans abandonner la règle et la

1. Sulpit. Sever. Vita, vi. — 2. Ita ut, jam illo tempore, non miles sed monachus putaretur. Ibid. II.

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vie du moine (1) ; s'étant fait tout d'abord une cellule auprès de son église de Tours ; bientôt se créant à quelque distance de la ville un second Ligugé sous le nom de Marmoutier ou de grand monastère (2). »
C'est à la direction reçue de l'ange qui présidait alors aux destinées de l'Eglise de Poitiers, que la sainte Liturgie renvoie l'honneur des merveilleuses vertus manifestées par Martin dans la suite (3). Quelles furent les raisons de saint Hilaire pour conduire par des voies si peu connues encore de l'Occident l'admirable disciple que lui adressait le ciel, c'est ce qu'à défaut d'Hilaire même, il convient de demander à l'héritier le plus autorisé de sa doctrine aussi bien que de son éloquence :
« C'a été, dit le Cardinal Pie, la pensée dominante de tous les saints, dans tous les temps, qu'à côté du ministère ordinaire des pasteurs, obligés parleurs fonctions de vivre mêlés au siècle,il fallait dans l'Eglise une milice séparée du siècle et enrôlée sous le drapeau de la perfection évangélique, vivant de renoncement et d'obéissance, accomplissant nuit et jour la noble et incomparable fonction de la prière publique. C'a été la pensée des plus illustres pontifes et des plus grands docteurs, que le clergé séculier lui-même ne serait jamais plus apte à répandre et à populariser dans le monde les pures doctrines de l'Evangile, que quand il se serait préparé aux fonctions pastorales en vivant de la vie monastique ou en s'en rapprochant le plus

1. Ita implebat episcopi dignitatem, ut non tamen propositum monachi virtutemque desereret. SulpitSevVita, X. — 2. Cardinal Pie, Homélie prononcée à l'occasion du rétablissement de l'Ordre de saint Benoît à Ligugé, 25 novembre 1853. — 3. Hilarium secutus est Martinus, qui tantum illo doctore profecit, quantum ejus postca sanctitas declaravit. In festo S. HilariiNoct. II, Lect. II.

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possible. Lisez la vie des plus grands hommes de l'épiscopat, dans l'Orient comme dans l'Occident, dans les temps qui ont immédiatement précédé ou suivi la paix de l'Eglise comme au moyen âge ; tous, ils ont professé quelque temps la vie  religieuse, ou vécu en contact ordinaire avec ceux qui la pratiquaient. Hilaire, le grand Hilaire, de son coup d'œil sûr et exercé, avait aperçu ce besoin; il avait vu quelle place devait occuper l'ordre monastique dans le christianisme,et le clergé régulier dans l'Eglise. Au milieu de ses combats, de ses luttes, de ses exils, témoin oculaire de l'importance des monastères en Orient, il appelait de tous ses vœux le moment où, de retour dans les Gaules, il pourrait jeter enfin auprès de lui les fondements de la vie religieuse. La Providence ne tarda pas à lui envoyer ce qui convenait pour une telle entreprise : un disciple digne du maître,un moine digne de l'évêque1.» On ne saurait présumer d'essayer mieux dire ; pour le plus grand honneur de saint Martin, l'autorité de l'Evêque de  Poitiers, sans égale en un tel sujet, nous fait un devoir de lui laisser la parole. Comparant donc ailleurs Martin, et ceux qui le précédèrent, et  Hilaire lui-même, dans leur œuvre commune d'apostolat des Gaules : « Loin de moi, s'écrie le Cardinal, que  je méconnaisse tout ce que la religion de Jésus-Christ possédait déjà de vitalité et de puissance dans nos diverses provinces, grâce à  la prédication  des premiers apôtres,  des  premiers martyrs ,  des premiers évoques, dont la série remonte aux temps les plus rapprochés du Calvaire. Toutefois, je ne crains pas de le dire, l'apôtre populaire de la Gaule, le convertisseur des campagnes restées en grande

1. Cardinal Pie, ubi supra.

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partie païennes jusque-là, le fondateur du christianisme national, c'a été principalement saint Martin. Et d'où vint à Martin, sur tant d'autres grands évoques et serviteurs de Dieu, cette prééminence d'apostolat ? Placerons-nous Martin au-dessus de son maître Hilaire ? S'il s'agit de la doctrine, non pas assurément; s'il s'agit du zèle, du courage, de la sainteté, il ne m'appartient pas de dire qui fut plus grand du maître ou du disciple ; mais ce que je puis dire, c'est qu'Hilaire fut surtout un docteur, et que Martin fut surtout un thaumaturge. Or, pour la conversion des peuples, le thaumaturge a plus de puissance que le docteur; et, par suite, dans le souvenir et dans le culte des peuples, le docteur est éclipsé, il est effacé par le thaumaturge.
« On parle beaucoup aujourd'hui de raisonnement pour persuader les choses divines : c'est oublier l'Ecriture et l'histoire; et, de plus, c'est déroger. Dieu n'a pas jugé qu'il lui convînt déraisonner avec nous. Il a affirmé, il a dit ce qui est et ce qui n'est pas ; et, comme il exigeait la foi à sa parole, il a autorisé sa parole. Mais comment l'a-t-il autorisée ?  lire...